mardi, mai 29, 2007

Humeurs




HUMEUR, subst. fém.
I. Vieilli. Substance liquide sécrétée par un organisme vivant. (Trésor de la langue française informatisé)

Le bas de gamme de la bonne humeur c’est de claquer des mains à l’unisson quand l’orchestre du bar s’évertue à vous décoller de votre chaise. Le haut de gamme de la bonne humeur, c’est quand après deux heures de course à pied, la glande endorphine diffuse de la morphine dans l’organisme et qu’une joie impondérable fasse vibrer le corps et l’esprit : « la perspective de changer le monde » est un thème récurent chez les sujets à cette expérience. Changer de monde ? Entre ces deux extrêmes, les gens s’agitent comme ils peuvent, en quête de plaisir. L’envoutement, l’enthousiasme, c’est le mouvement.

Le désastre bas de gamme, c’est quand votre petite amie nord-américaine s’affole parce que votre compte d’Internet est en souffrance depuis 10 jours ; qu’elle vous persécute jusque dans votre sommeil matinal en vous dressant la facture droit devant vos yeux dans une ambiance mélodramatique limite triller (vécu). Le haut de gamme du désastre, c’est quand un 6 aout 1945 vous recevez un colis aérien répondant au sobriquet de Little Boy, que vous habitiez l’agglomération d’Hiroshima, et que 43 secondes plus tard, tout ce qui a constitué de près ou de loin votre existence est anéanti sur le champ par 64 kg d’Uranium 235 (vécu). Entre les deux, les gens s’agitent autant que possible pour éviter le désastre.

Le haut de gamme de l’existence, c’est le mouvement : aujourd’hui là, demain là-bas, une simple petite carte en plastique, ô combien convoitée, dénommée bien souvent Golden Card, peut transporter son détenteur dans les meilleures conditions au bout du monde en un rien de temps. Le bas de gamme de l’existence, c’est donc l’immobilité ; qui, dans son expression la plus pure, fait correspondre l’inexistence à l’existence dans un état de léthargie extrême qualifié de comateux. Voilà pourquoi humeur et liquidité sont synonymes ! «L’argent fait le bonheur» chantait le groupe canadien Les respectables. Quelle ironie !

Question: Comment se fait-il que l'on conserve généralement ses économies dans une tirelire (tireulireu) à l'effigie d'un cochon souriant ? Clin d’œil coquin à l’humeur testiculaire ? Brillante symbiose sémiologique intuitive à trois termes ?

Synthèse: Le bonheur est cochon.




dimanche, mai 13, 2007

La thèse du choc



En un mot : la thèse du « choc des civilisations » c’est comme on dit en bon latin bull shit!

Pourquoi ? Parce que cela fait partie du syndrome de sarkoze critique, pathologie de l’extrême droite qui ne s’assume pas.

La question qui en découle : Qu’est-ce qu’une civilisation ?

Pour les linguistes : c’est l’apparition d’une langue.

Pour les anthropologues : c’est un intervalle spatio-temporel définissant un peuple ou un ensemble de peuples, partageant une relative unité culturelle, géographique, linguistique, idéologique. À l’évidence, le limites géographiques et l’étendue temporelle doivent être suffisamment vastes. On parle de civilisation à partir de quelques siècles en général.

Or qu’est-ce qu’on nous sert quotidiennement dans les médias occidentaux ? Choc des civilisations, guerre de religions, incompatibilité de l’islam avec la modernité ou avec le capitalisme. Preuve d’une grande ignorance ? Que nenni : Simulation !

Quelles civilisations entrent en choc ? L’Occident et l’Orient ? Qu’est-ce que l’Occident ? Le monde chrétien ? Je ne vois presque rien de commun entre les Russes orthodoxes et les Etasuniens, entre le Nord de l’Europe principalement protestant et le Sud surtout catholique. Parlons de l’Europe actuelle justement qui est demeurée obscurantiste jusqu’aux apports de la civilisation islamique, selon moi fondement objectif de la Renaissance, elle-même constituant la base du monde moderne. Qu’il s’agisse de droit, de santé, ou de science, rien dans le monde occidental actuel n’est dépourvu d’un fondement arabo-musulman. Les religions dominantes en Europe sont elle-même issues de la même zone géographique, et plus ou moins de la même race : les sémites. Toutes prétendent à la même vérité divine, toutes sont monothéistes. Ou se trouve le chiisme ? Il me semble que le seul véritable clivage idéologique se situe dans un axe Est-Ouest, dans des philosophies nettement distinctes du monothéisme : le bouddhisme, l’hindouisme, etc. Dans lesquelles les conceptions mêmes de divinité sont entièrement différentes. Nous autres Musulmans, Chrétiens, Juifs, vivons dans le grand village monothéiste. Nous partageons tout : une histoire commune, la nourriture, la boisson, les valeurs, les ambitions, la vision du monde. Nous sommes comme tous les habitants d’un village sujets à desrivalités temporaires, victimes de guéguerres territoriales ou tribales, mais après tout avec quelques décalages temporaires et quelques nuances, nous vivons la même histoire. L’islam a élevé les femmes au rang de citoyennes à part entière, leur a donné droit de propriété, les Lumières (quelle pompe n’empêche !) ont développés ces droits. Aujourd’hui le monde musulman est influencé positivement par des penseurs occidentaux qui, il faut le reconnaître, le dépassent largement. Je ne vois toujours pas de choc des civilisations. S’il devait exister, il serait révolu depuis treize siècles. Un choc qui perdure près d’un millénaire et demi, c’est un non-sens.

Qu’est-ce que la civilisation occidentale ? Celle d’après ou celle d’avant la décolonisation. Car, à ce jour on ne peut parler de civilisation européenne ou occidentale récente que coloniale — celle qui a perduré quelques siècles. Or quelles furent les valeurs véhiculées pendant cette époque ? Esclavage, fascisme, exploitation, expropriation, tout cela réuni sous le terme très ténu de pacification. À son passage, cette pacification a quand même exterminé complètement quelques peuples d’Amérique notamment. Napoléon a lui-même rétabli l’esclavage, et inventé la chambre à gaz. Si par contre nous parlons de ce très court épisode de l’histoire entamé il y a cinquante ans avec la fin de la Deuxième guerre mondiale, nous n’avons pas encore assez de recul pour parler d’une quelconque civilisation. Il est certain que nous vivons actuellement sous domination anglo-saxonne, plus exactement anglo-américaine, mais d’aucuns annoncent déjà les signes de son déclin. Qu’en savons-nous? Il faut que l’histoire se passe, qu’une « civilisation » déchoit pour que l’on puisse la décrire et la délimiter. Quand à cette illusoire rencontre entre l’Orient et l’Occident, c’est user de termes désuets et incorrects datant de la pré-colonisation, désignant mal des zones géographiques vagues et des cultures hétérogènes ; preuve d’ignorance ou de mauvaise foi.